1er août 1914, à Collioure. Fils d’un immigré espagnol anarchiste, Matteo repeint le bateau de son défunt père. La mobilisation générale et la guerre nourrissent la conversation qu’il entretient avec sa mère lorsqu’arrive Juliette. Les mots de la jeune femme, admiratifs à l’égard de Guillaume de Brignac, son rival enrôlé dans l’aviation, piquent son amour propre et aiguisent sa jalousie. Quand Paulin, l’ami artiste, part à son tour pour le front, la question de l’engagement dans l’armée française n'a plus de cesse d’accaparer les pensées de Mattéo.
Jean-Pierre Gibrat n’a pas son pareil pour isoler sous les projecteurs des cas particuliers et pour décrire, sur fond de romance, le parcours sinueux d’individus, influencés par les circonstances, autour desquels gravitent des êtres ayant effectué un choix. Déserteur dans le Le sursis Julien assure la planque de parachutes destinés aux hommes du maquis. Petit malfrat dans Le vol du corbeau François est amené à épauler l’une de ses victimes, à prendre des risques et à entrer, en quelque sorte, dans une forme de résistance. De part sa nationalité espagnole, Matteo n’est pas mobilisable mais il est balloté entre le respect du positionnement antimilitariste de ses parents et le désir de se jeter dans la bataille. Les jeunes du pays sont partis sans hésiter, le sourire aux lèvres, et convaincus de revenir bientôt. Au fur et à mesure que la liste des pertes s’allonge, le regard des villageois s’alourdit et se fait réprobateur à l’égard des « planqués ». Mais, surtout, l’uniforme semble exercer un fort pouvoir d’attraction sur la jeune femme qu’il espère pouvoir reconquérir. Dans tous les récits, le ton est naturel et enlevé, les réparties vives, les caractères bien affirmés, l’humour présent. Les femmes semblent savoir ce qu’elles veulent. Elles paraissent plus fortes, plus déterminées et mieux dotées en réserve de bon sens que leurs congénères masculins.
Dans Matteo Jean-Pierre Gibrat dresse, une fois encore, le portrait d’hommes et de femmes avec une sensibilité et une subtilité qui n’ont d’égales que la finesse de son trait, les nuances de ses couleurs et sa maîtrise des éclairages. La lumière peut se faire vive, sombre ou feutrée en fonction des situations dans lesquelles elle est diffusée et des sensations de l'instant exposé que le graphisme a pour tâche de faire passer. Il ressort de la teneur des dialogues et de la mise en image une impression de justesse de ton, de sobriété et de grande humanité. L’aquarelle, plus « diluée » que dans les précédents ouvrages, déborde parfois des cases, comme si l’artiste s’était lâché, s’était laissé porter, comme si la peinture elle-même devait se mettre au diapason des hésitations et des imperfections humaines.
Pour la première fois l’antre de la guerre est montré, le champ de bataille, les tranchées, la difficile condition de survie des soldats… et les atrocités. Mais sans trop s’y attarder, ce n’est pas l’objet. Si les séquences semblent parfois se succéder rapidement, l’essentiel est livré et il est suffisant. D’abord parce que ce tome est le premier d’une série de quatre devant couvrir la période allant de 1914 à 1939. Ensuite, ou peut-être surtout, parce que l’état de guerre ne constitue que le contexte de l’histoire et que le narrateur semble plutôt vouloir s’attacher à poser son regard sur les parcours singuliers, et plus particulièrement sur celui de Matteo.
C’est beau, c’est fort, c’est très bien raconté, finement illustré, n’hésitez pas, c’est du Gibrat !
Cet avis vaut pour sur toute la série, puisque je ne le poste qu'après avoir terminé le tome6
Mattéo, anarchiste utopique, traverse les époques et leurs conflits avec ses bandes d'amis et d'amies puisque les femmes ont un rôle important dans la série.
Tout est magnifique, les dessins, les scénarios, les valeurs humaines universelles développées. Et l'absurdité des hommes, aussi parfois ...
On pourrait reprocher à Gibrat les visages parfois stéréotypés et quelques différences entre planches dans les dessins. Mais qui oserait?... Tout est tellement exceptionnel.
A lire absolument, un indispensable dans une bibliothèque!
C'est vrai qu'on se dit qu'il est bien bête ce fier Mattéo de partir à la grande guerre pour épater sa Juliette qui a le coeur qui balance pour un autre homme issu d'une famille bourgeoise. Pourtant, avec un père antimilitariste et anarchiste qui a dû fuir l'Espagne, cela aurait dû le conduire à y réfléchir à deux fois. Même son ami qui revient estropié du front ne le fera pas changer d'avis. Il va vite déchanter notre Mattéo au fin fond des tranchées qui enterrent ses dernières illusions ! On nous promet une épopée époustouflante sur fond de passion romantique.
Ce 1er tome réussit parfaitement à faire son effet car nous avons deux personnages qui d'un premier abord ne sont pas fait pour s'aimer mutuellement. En effet, le beau et vulnérable Mattéo vit seul avec sa mère après la mort de son père braconnier disparu en mer. Juliette est une ravissante jeune fille issue d'un milieu plus aisée qui est vêtue de belles robes jetant un érotisme troublant.
L'auteur Jean-Pierre Gibrat possède une auréole particulière dans le monde de la bande dessinée depuis ses deux chefs d'oeuvre que sont Le Sursis et Le Vol du Corbeau. Ce n'est pas un auteur très prolifique. Du coup, ses productions sont très attendues par les nombreux fans. Graphiquement, c'est que du bonheur ! Une parfaite maîtrise des aquarelles ! Une colorisation qui sublime nos émotions. Il y a de la spontanéité dans son trait qui en fait oublier les petits défauts. Ce dessin est quasi-magnifique ! L'auteur parvient à conférer à ses personnages une véritable force tourmentée.
Je suivrai avec délectation les aventures guerrières de ce coeur perdu. La fin de ce premier tome nous promet une suite bien mouvementée. Et cette suite se produit dans un cadre qu'on n'attendait pas à savoir celui de la Révolution Rouge qui s'abat sur la Russie tsariste alors que l'Occident est toujours en proie à une horrible guerre de tranchée. On est totalement pris par l'ambiance de cette révolution jusque dans son idéologie et ses premières contradictions.
Avec ce 1er tome, Jean-Pierre Gibrat nous offre une vision sans concession de la 1ère guerre mondiale. Le contraste entre l'engouement des premiers partants et la dure réalité des tranchées est saisissant. Les textes poétiques de la voix "off" narrative sont parfois durs à comprendre mais apportent solennité aux images du front, comme le ferait une bande son. Les dessins sont toujours très beaux et la fin donne envie de lire la suite. Petit bémol: on peine à s'attacher aux personnages. S'il n'est sans doute pas du niveau du Sursis, cet album est franchement réussi.
Un premier album initiatique où l'on suit Mattéo, un jeune homme amoureux et naïf pendant la Grande guerre.
Fils d'un pauvre anarchiste espagnol réfugié à Collioures, Mattéo est profondément épris de son amie, la jeune et jolie Juliette. Mais celle-ci ne pense qu'à sortir de sa condition et convoite le fils du riche propriétaire terrien, Guillaume de Brignac. La lutte des classes transformée en duel amoureux en quelque sorte.
Lorsque la guerre éclate, Mattéo hésite à s'engager de part son éducation pacifiste et anarchiste. Les reproches de Juliette et la réprobation de la population lui font sauter le pas. Mattéo perdra son innocence dans les tranchées et connaîtra les vicissitudes de l'amour. Heureusement, sa vieille maman veille sur lui.
De superbes dessins, un texte largement au dessus de la production moyenne, une aventure humaine.
Superbe album.
J'ai autant apprécié les dessins que les textes. Les mots sont employés avec beaucoup d'esprit et de poésie.
Ce qui séduit dans cet album c'est l'histoire plutôt banale d'un jeune homme ordinaire à l'aube de la première guerre. un personnage principal bourré de défaut mais profondément humain.
Mais rien de très original.
Les dessins sont par contre perfectibles.
L'ensemble est toutefois réussi et appelle à lire une suite.
6/10.
Mattéo, un réfugié espagnol qui aurait pu échapper à la guerre de par sa nationalité, décide quand même de participer à la Grande guerre sous la pression d'une société belliciste. Il découvre alors l'horreur du front, les assauts, la mort au quotidien, les ordres absurdes, ...
Gibrat, de retour, nous livre ici un album de toute splendeur. Comme il sait si bien le faire, il mêle à merveille la grande histoire avec la petite.
Malgré un scénario un peu convenu, Gibrat nous envoute avec des planches
magnifiques dans l 'enfer de la premiere guerre, mais la force de cet album c'est
la narration, racontée en voix off on suit les tourments de ce jeune homme un
peu naif qui s 'engage par amour, et qui reviendra meutri, transformé. Première
époque c'est la perte de l'innocence pour Matteo, mais aussi une fuite en avant
qui va le precipiter dans les grands tourments de de ce début de siècle, il ne
décide pas c' est le destin qui décide pour lui. C 'est beau, c' est romanesque, une
très belle réussite.
Décidément chaque nouvel album de Gibrat est une oeuvre majeure. Cette fois ci il délaisse la Seconde Guerre Mondiale pour chasser sur les terres de Tardi.
Bien que les deux auteurs expriment le dégoût de la guerre, leurs manières de voir et de présenter les choses sont fort différentes.
Pour simplifier on dira que les soldats de Tardi sont ceux d'A l'ouest rien de nouveau, l'arrière ne compte plus. Seuls existent des hommes tour à tour bourreaux et martyrs. Pas chez Gibrat. C'est justement parce que "l'arrière" existe qu'il a créé cette situation et qu'il modifie donc l'avenir.
Une série à mi-chemin entre celles de Tardi sur la guerre de 14 et Louis Ferchot/ Louis la Guigne.
Le ton est toujours juste et on ne sombre jamais dans l'ennui ou une histoire fleur bleue. Gibrat résussit à faire passer de l'humanité dans quasiment tous ses personnages - un pari réussi alors que le scénario n'est pas nécéssairement très original à la base (le va t'en guerre qui laisse derrière lui sa colombe...). Bravo !
Mattéo, fils de réfugié espagnol, aurait pu ne pas s'engager du fait de sa nationalité, mais la pression sociale et la désapprobation de celle qu'il aime vont le pousser vers l'horreur.
Le dessin de Gibrat évolue dans cette nouvelle série encore plus noire que le sursis ou le vol du corbeau. Cela fait plus peinture mais cela crée parfaitement le glauque des tranchées.
Une histoire très bien racontée en voie off, avec une ironie qui permet de distancier les horreurs de la guerre.
C'est moins original que les précédents opus, mais cela reste très bon et la suite dira si cela atteint au chef d'oeuvre.
J-P GIBRAT est un grand conteur, il nous entraîne ici dans la fureur de la guerre 14-18. Il réussit encore une fois à nous passionner avec un récit tout en nuances illustré par des planches magnifiques. Mattéo y est attachant de naïveté, amoureux de la belle Juliette qui rêve d'autre chose de plus... matériel. Il est vrai que l'association Mattéo et Juliette ne sonne pas comme une promesse de grand amour. Une première époque dense et passionnante qui nous promet une suite espagnole mouventée !
Un nouvel opus de Gibrat est toujours un événement. Quelle réussite !
Les dessins sont très beaux et sa retranscription de la guerre des tranchées est magnifique.
Les textes sont très aboutis comme par exemple sa description poétique de la guerre.
Pour le scénario, on se laisse emporter par l'humour, l'aventure et toujours l'amour. Dans le même thème, le scénario ressemble en certains points au film 'un long dimanche de fiançailles'.
Vivement la suite....
Pour commencer, et sans détour, je dirais que j'ai beaucoup beaucoup apprécié.
Par cette nouvelle série et encore plus qu'avant, Gibrat réussi à m'emporter avec passion dans l'univers qu'il choisi de décrire. Il est vrai que, graphiquement et psychologiquement, ses personnages se ressemblent quelque peu (plus particulièrement les femmes) mais ça ne gache en rien la lecture. Il semble que Gibrat se soit un peu plus "libéré" sur ce tome car on voit beaucoup plus le travail de crayonné que sur ses précédentes séries. Et idem pour les couleurs qui débordent quelques fois, ce qui donne l'impression de spontanéité et de liberté où même l'acceptation que tout ne soit pas parfait. Ce qui m'impressionne le plus, c'est surtout la qualité de la narration puisqu'il sait si bien raconter des histoires qui, a priori, ne sont pas d'une extrème originalité ! Cependan, Gibrat trouve un rythme qui permet de bien rentrer dans la psyché de ses personnages et dans leurs états d'ame sans pour autant m'ennuyer. Il y a donc beaucoup de sentiments et un peu d'action dans une époque intéressante.
La seule chose qui m'a un peu géné, c'est quand j'ai été obligé de m'y reprendre à plusieurs fois pour bien comprendre le déroulement de certaines scènes qui avaient des commentaires "voix off" très poétiques et imagées accompagnés de dessins moins explicites...
Mais en résumé, c'est du tout bon pour moi !